Des scientifiques de l’EPFL ont mis au point des membranes de graphène aussi minces qu’un atome avec de l’azote pyridinique sur les bords des pores. Ces membranes présentent des performances sans précédent en matière de captage du CO2, ce qui pourrait permettre de développer des technologies de captage du carbone plus efficaces.
Pour faire face au changement climatique, il devient urgent de développer des technologies de captage du carbone efficaces et économiques. C’est dans cette optique que les scientifiques explorent un certain nombre d’innovations destinées à réduire considérablement les émissions industrielles de carbone, ce qui est essentiel pour limiter le réchauffement de notre planète.
Parmi ces innovations, le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CCUS) est une technologie essentielle qui permet de réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2) provenant de sources industrielles lourdes telles que les centrales électriques, les cimenteries, les aciéries et les incinérateurs de déchets. Mais les méthodes de captage actuelles reposent sur des processus à forte consommation d’énergie, ce qui en fait des méthodes coûteuses et non durables.
La recherche vise à mettre au point des membranes capables de capturer sélectivement et efficacement le CO2, réduisant ainsi les coûts énergétiques et financiers associés à la technologie CCUS. Mais même les membranes les plus sophistiquées comme les films minces en polymère sont limitées en termes de perméance et de sélectivité du CO2, ce qui freine leur évolutivité.
Le défi consiste donc à créer des membranes capables d’apporter à la fois une perméance et une sélectivité du CO2 élevées, indispensables pour un captage efficace du carbone.
Une équipe de scientifiques sous la houlette de Kumar Varoon Agrawal de l’EPFL a fait une avancée majeure dans ce domaine en développant des membranes qui ont des performances exceptionnelles en matière de captage du CO2 grâce à l’incorporation d’azote pyridinique en bordure des pores de graphène. Les membranes présentent un équilibre remarquable entre la perméance et la sélectivité du CO2, ce qui les rend très prometteuses pour diverses applications industrielles. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Nature Energy.
Les chercheuses et chercheurs ont commencé par synthétiser des films de graphène monocouche par dépôt chimique en phase vapeur sur une feuille de cuivre. Ils ont introduit des pores dans le graphène par oxydation contrôlée à l’ozone, ce qui a formé des pores fonctionnalisés par des atomes d’oxygène. Ils ont ensuite mis au point une méthode pour incorporer des atomes d’azote en bordure des pores sous forme d’azote pyridinique, en faisant réagir le graphène oxydé avec de l’ammoniaque à température ambiante.
Les chercheuses et chercheurs ont confirmé l’incorporation réussie de l’azote pyridinique et la formation de complexes de CO2 sur les bords des pores à l’aide de diverses techniques telles que la spectroscopie photoélectronique à rayons X et la microscopie à effet tunnel. L’incorporation d’azote pyridinique a nettement amélioré la fixation du CO2 sur les pores du graphène.
Les membranes obtenues présentaient un facteur de séparation CO2/N2 élevé, avec une moyenne de 53 pour un flux gazeux contenant 20% de CO2. Chose remarquable, les flux contenant environ 1% de CO2 ont atteint des facteurs de séparation supérieurs à 1000 du fait de la fixation compétitive et réversible du CO2 aux bords des pores, facilitée par l’azote pyridinique.
Les scientifiques ont également montré que le processus de préparation des membranes est évolutif et permet de produire des membranes très performantes à l’échelle du centimètre. C’est un point essentiel pour les applications pratiques, ce qui signifie que les membranes peuvent être déployées dans des environnements industriels à grande échelle.
Les performances élevées de ces membranes de graphène en matière de captage du CO2, même à partir de flux gazeux dilués, peuvent réduire considérablement les coûts et les besoins énergétiques des processus de captage du carbone. Cette innovation ouvre de nouvelles perspectives dans le domaine de la science des membranes, ce qui pourrait aboutir à des solutions CCUS plus durables et plus économiques.
La chimie uniforme et évolutive utilisée pour créer les membranes signifie qu’elles peuvent être rapidement déployées à grande échelle. L’équipe cherche désormais à produire ces membranes par un processus rouleau à rouleau continu. La polyvalence et l’efficacité de ces membranes pourraient transformer la manière dont les industries gèrent leurs émissions et contribuer à un environnement plus propre.
Autre contributeur
Laboratoire des matériaux pour les énergies renouvelables de l’EPFL
Conseil européen de la recherche
Programme de bourses de doctorat Taïwan-EPFL