Violaine Nicolas Colin, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Même si cela peut nous sembler un peu répugnant beaucoup d’animaux mangent des crottes. Parmi eux on peut distinguer les coprophages, qui se nourrissent des crottes provenant d’autres animaux (par exemple le bousier), et ceux qui pratiquent la cæcotrophie. Ces derniers ne mangent que certaines de leurs crottes. C’est le cas du lapin, mais aussi de beaucoup d’autres animaux comme le lièvre, la marmotte, le castor, le chinchilla, le koala et certaines musaraignes.
Pourquoi le lapin mange-t-il uniquement certaines de ses crottes ?
Le lapin produit deux types de crottes : les crottes rondes, dures et sèches que nous connaissons tous (un lapin en produit en moyenne 300 par jour !) et des cæcotrophes, qui sont des crottes molles, humides, brillantes, collées en grappe et très odorantes. Ce sont les cæcotrophes qui sont mangés par le lapin.
La production de ces deux types de crottes s’explique par le fait que le lapin doit faire passer les aliments deux fois à travers son tube digestif pour pouvoir les digérer complètement. Les crottes dures correspondent aux déchets non digérables par le lapin et les cæcotrophes correspondent à des crottes qui sont produites par l’animal après un premier cycle de digestion et qui sont ensuite consommées à nouveau de façon à en extraire les éléments qui n’ont pas pu être digérés lors du premier passage.
Pourquoi cette double digestion ?
Le lapin mange essentiellement des végétaux riches en fibres, comme la cellulose. La cellulose est le principal constituant de la paroi des cellules végétales. Or la cellulose ne peut être absorbée par l’organisme qu’après avoir été transformée par des bactéries qui ne vivent que dans une seule partie du système digestif du lapin : le cæcum.
Le problème c’est que ce cæcum est situé… à la fin de l’intestin grêle ! Or c’est au niveau de l’intestin grêle que se fait le recyclage des nutriments produits par les bactéries présentes dans le cæcum. Au premier passage des aliments dans le tube digestif il y a donc une dégradation de la cellulose, mais les nutriments formés ne peuvent pas être assimilés. Pour profiter pleinement de ces nutriments, le lapin a donc besoin d’ingérer une deuxième fois les aliments (devenus des cæcotrophes). Lors de leur second passage dans l’intestin grêle, les cæcotrophes libèrent les nutriments très riches qu’ils contiennent (des protéines, des acides gras et des vitamines B).
Comment cela se passe-t-il concrètement dans le système digestif du lapin ?
Le lapin mâche les aliments avec ses dents, qui passent ensuite dans l’œsophage, puis dans l’estomac. Là, ils subissent une digestion mécanique (ils sont brassés et fragmentés) et chimique (sucs digestifs, enzymes). Les aliments passent ensuite dans l’intestin grêle où grâce à des enzymes certains nutriments sont absorbés. Les aliments restants passent dans le cæcum, où des bactéries vont permettre de dégrader la cellulose et de produire les nutriments, dont le lapin à besoin.
Ensuite, au niveau du colon, grâce à un mouvement de contraction particulier, il y a une séparation entre les petites particules qui sont ramenées au cæcum où elles vont s’accumuler et constituer des cæcotrophes, et les grosses particules comme les fibres sans valeur nutritive qui sont éliminées sous forme de crottes dures. À certains moments de la journée (en général après une longue phase de repos) les cæcotrophes sortent par l’anus où ils sont immédiatement récupérés et réingérés par le lapin. Ces cæcotrophes sont enduits d’un liquide gluant qui les protège de l’acidité de l’estomac pour les faire parvenir intacts au niveau de l’intestin grêle où les nutriments pourront être absorbés.
En conclusion, la cæcotrophie est un comportement alimentaire parfaitement normal du lapin qui se développe vers l’âge de trois mois. Si les crottes dures sont des déchets, les cæcotrophes sont un élément essentiel de son alimentation. Si vous avez un lapin de compagnie, il est important de ne pas le déranger lorsqu’il mange ses cæcotrophes. De nombreux lapins refusent en effet de les manger s’ils ne sont pas immédiatement ingérés et traînent un peu au sol. Un lapin qui vit dans un environnement trop stressant aura donc tendance à ne pas manger tous ses cæcotrophes ce qui peut conduire à de graves problèmes de santé. Enfin, sachez que chaque lapin reconnaît ses cæcotrophes et qu’il ne mangera pas les cæcotrophes d’un autre lapin.
Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : tcjunior@theconversation.fr. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre.
Violaine Nicolas Colin, Maitre de conférence en systématique et phylogéographie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.