Omicron : notre système immunitaire n’a pas dit son dernier mot…

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Les lymphocytes T (photo) sont des cellules immunitaires. Pour lutter contre une infection, ils détruisent les cellules infectées.
                                                                 NIAID, CC BY-SA

Luke O’Neill, Trinity College Dublin

Le dernier variant préoccupant en date, Omicron, s’est répandu sur la planète à une vitesse inédite. Et cette expansion n’est pas finie : les experts affirment désormais que 40 % de la population mondiale sera infectée dans les deux prochains mois. Chronique d’une catastrophe annoncée ? Cela peut paraître assez surprenant, mais nous ne connaissons pas encore exactement le degré de gravité des symptômes causés par Omicron par rapport aux autres variants préoccupants. Ce délai est normal.

Jusqu’à présent, toutefois, les signes sont plutôt bons.

Avec le précédent variant, Delta, il y avait un lien clair entre l’infection et l’hospitalisation, puis, chez certains patients, l’admission en soins intensifs – voire le décès. Cela ne semble pas être aussi évident avec Omicron. Cependant, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Ghebreyesus, a déclaré le 6 janvier 2022 :

« Si Omicron semble moins grave que Delta, notamment chez les personnes vaccinées, cela ne signifie pas qu’il faille le classer dans la catégorie des maladies bénignes… »

La question est de savoir pourquoi il serait moins dangereux que le redouté Delta. Omicron, connu pour ses nombreuses mutations, posséderait-il des changements qui le rendraient moins agressif ?

Il y a deux aspects à considérer. Premièrement, Omicron semble moins capable d’infecter les cellules pulmonaires. Il se cantonne plutôt aux voies respiratoires supérieures, tout comme d’autres coronavirus qui restent dans le nez et la gorge. C’est notamment le cas de l’OC43, un coronavirus responsable de rhumes.

Ceci est cohérent avec les symptômes plus légers déjà associés à Omicron, qui sont principalement liés au nez et à la gorge – reniflements et toux sèche. Ce n’est que lorsque le SARS-CoV-2 infecte les poumons qu’une forme grave de la maladie se déclare, avec une hausse drastique des difficultés respiratoires. Omicron semble moins capable de le faire (des études en cours semble montrer que ce variant se multiplie également moins bien que ses prédécesseurs dans les poumons lorsqu’il les atteint, ndlr).

Et il y a un deuxième aspect à prendre en compte pour expliquer la proportion plus faible actuellement constatée de maladie grave. Il s’agit du fait que d’autres acteurs majeurs du système immunitaire que les anticorps, les lymphocytes T, sont capables de gérer Omicron.

Les deux vigiles de notre système immunitaire

On s’est d’abord inquiété de ce qu’Omicron, avec toutes ses mutations, puisse échapper à notre système immunitaire. C’est d’ailleurs en partie le cas pour les anticorps. La protéine Spike, présente à la surface du virus SARS-CoV-2, est la cible clé pour ces derniers : ils s’y accrochent et la bloquent, l’empêchant ainsi d’interagir avec les cellules que le virus tente d’infecter et assurant ainsi une protection.

Cependant, chez Omicron, les parties de Spike que les anticorps reconnaissent ont changé : l’identifiant moins bien, ils sont moins capables de neutraliser le virus.

Avec cette ligne de défense, cependant, la quantité peut l’emporter sur la qualité… Ainsi, même s’ils ne peuvent pas se lier à Omicron aussi efficacement qu’avec les variants précédents, notre système immunitaire, surtout quand il est stimulé (par la vaccination notamment), peut produire suffisamment d’anticorps pour faire son office. C’est l’une des raisons pour lesquelles les rappels sont si importants.

Mais la très bonne nouvelle vient du second acteur immunitaire mentionné ci-dessus : nos lymphocytes T, qui, eux, peuvent encore reconnaître et éliminer Omicron. Le « T » de leur nom vient du thymus, un organe situé dans la partie supérieure de notre thorax où cette famille de « globules blancs » achève son développement et sa maturation.

Ces lymphocytes fonctionnent d’une manière différente des anticorps. Lorsqu’une de nos cellules est infectée par un virus, elle prend un morceau de sa protéine Spike et l’affiche à sa surface… Un peu comme si elle agitait un drapeau rouge pour dire qu’elle est occupée par l’ennemi. Les lymphocytes T ont des capteurs leur permettant de repérer ces signaux d’alerte. Quand ils en localisent un, ils se fixent à la cellule infectée et la tuent.

(Lorsque notre corps est soumis à un pathogène inédit, les lymphocytes T participent à la défense en détruisant les cellules infectées reconnues grâce aux antigènes, les « drapeaux » venant du virus. En parallèle sont générés des lymphocytes T dits « mémoire », spécifiques à ce pathogène et qui vont patrouiller dans notre corps. En cas de seconde exposition, ces cellules mémoires sont capables de réagir très rapidement et spécifiquement dès qu’elles recroisent « leur drapeau », ndlr)

Schéma du fonctionnement d’un lymphocyte T : une cellule normale est infectée. Notre SI apprend à reconnaître ses signes caractéristiques pour les présenter aux lymphocytes T qui vont détruire les nouvelles cellules malades
Notre système immunitaire peut faire appel à ses lymphocytes T pour détruire les cellules infectées, par un virus par exemple (reconnus par ses antigènes, les « drapeaux rouges », ici des ronds jaunes). Ce qui empêche le pathogène de se multiplier et freine ainsi sa propagation.
Art of Science/Shutterstock, CC BY-SA

Comme une explosion contrôlée

La méthode peut paraître un peu extrême, mais elle est surtout redoutablement efficace. Car en tuant la cellule infectée, on élimine aussi le virus qui ne peut donc pas repartir infecter de nouveaux hôtes. C’est comme une explosion contrôlée. Ce processus permet donc de contrôler le virus en l’empêchant de coloniser et pirater toujours plus de cellules.

Les anticorps constituent la « première ligne » de notre système immunitaire : ils empêchent le virus de pénétrer dans nos cellules. Les lymphocytes T en sont la « seconde ligne » : si le virus a réussi à infecter une cellule, l’escadron T arrive et la tue, stoppant ainsi le virus dans son élan.

Et dans le cas présent, les lymphocytes T sont toujours efficaces contre le variant ! En effet, les parties de la Spike prélevées pour être mises à la surface de la cellule infectée – les drapeaux rouges – n’ont pas beaucoup changé chez Omicron, à la différence de celles reconnues par les anticorps.

Les lymphocytes T reconnaissant les versions antérieures de la Spike (via une infection précédente ou surtout les vaccins) restent donc capables de bien faire leur travail. Plusieurs études ont montré que les lymphocytes T générés par les vaccins ont conservé leur capacité à combattre Omicron.

Notre système immunitaire a été sculpté au fil de millions d’années d’évolution. Il a toutes sortes de tours dans son sac et heureusement, du moins jusqu’à présent, celui des lymphocytes T résiste toujours à Omicron. Et comme d’autres éléments du système immunitaire, ils peuvent se souvenir de chaque combat mené pour être plus efficaces à toute infection suivante… Ils pourraient donc bien rester dans la course face à d’éventuels futurs variants. Nos lymphocytes T sont une raison d’être optimiste !The Conversation

Luke O’Neill, Professor, Biochemistry, Trinity College Dublin

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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