Des scientifiques de l’EPFL ont découvert que des gènes récemment apparus au cours de l’évolution jouent un rôle clé dans la division cellulaire. Cette découverte démontre que même les processus biologiques les plus fondamentaux, comme le cycle cellulaire, continuent à évoluer.
Chaque jour, environ 330 milliards de divisions cellulaires se produisent dans notre corps, assurant son bon fonctionnement et sa régénération. Ce mécanisme repose sur le cycle cellulaire, un processus conservé depuis les premiers organismes vivants. Son principe reste inchangé : dupliquer le contenu d’une cellule, puis la diviser en deux cellules « filles ».
Mais chez les organismes complexes, ce cycle s’est considérablement sophistiqué. Une question demeure alors : quel est le rôle des gènes récemment apparus dans la régulation de ce processus fondamental ?
Pour y répondre, Romain Forey et Cyril Pulver, travaillant au sein du groupe de Didier Trono à l’EPFL, ont combiné biologie cellulaire et génomique. Avec leur collègue Alex Lederer, ils ont élaboré un atlas détaillé de l’activité des gènes au cours du cycle cellulaire humain, aujourd’hui accessible à la communauté scientifique et au grand public. L’étude a été publiée dans Cell Genomics.
Le projet se distingue par son caractère interdisciplinaire, emblématique des recherches menées à l’EPFL. « Romain a dirigé toutes les expériences de biologie cellulaire, apportant son expertise du cycle cellulaire, tandis que je me suis chargé des analyses génomiques », explique Cyril Pulver.
Il précise : « Cela dit, nous n’avons pas strictement séparé nos domaines : les hypothèses majeures, la modélisation mathématique et les expériences ont été conçues ensemble. Nous devons aussi beaucoup à Alex Lederer, du laboratoire de Gioele La Manno, qui a réalisé une analyse déterminante des données de CRISPRi, positionnant 1,9 million de cellules dans le cycle en fonction de l’expression de leurs gènes. »
En partant de cet atlas, les chercheurs se sont penchés sur un groupe de gènes codant pour des facteurs de transcription – des protéines qui régulent l’activation ou l’inactivation des gènes. Ils ont découvert que certains de ces facteurs orchestrant le bon déroulement du cycle cellulaire sont étonnamment apparus récemment dans l’évolution.
Plus précisément, plusieurs facteurs de transcription qui n’existaient pas avant l’émergence des mammifères ou même pour certains des primates régulent l’expression de gènes bien plus anciens engagés dans le contrôle de phases très précises du cycle. Lorsque certains de ces « jeunes » facteurs étaient inactivés, les cellules se retrouvaient bloquées à certaines étapes ou perdaient leur synchronisation avec le reste de la population, perturbant ainsi le déroulement ordonné de la division.
L’un de ces gènes les plus marquants est ZNF519, présent uniquement chez les primates. Son inactivation compromet la duplication de l’ADN – une étape cruciale avant la division cellulaire – ralentissant ainsi la croissance des cellules. L’équipe a confirmé que ZNF519 se lie directement à l’ADN de gènes clés du cycle cellulaire, qu’il réprime de manipre temporellement très précise.
Un autre facteur, ZNF274, présent chez les mammifères mais absent chez les reptiles ou les poissons, influe sur le moment de la réplication de régions spécifiques du génome. Ce mécanisme est lié à la préservation de l’épigénome et à l’organisation tridimensionnelle du noyau.
« Nous mettons à disposition de la communauté une ressource exhaustive sur l’expression des gènes au cours du cycle cellulaire humain et l’effet de leur inactivation sur le décours de ce processus. Nous pensons que cette ressource sera utile aux chercheuses et chercheurs du monde entier », conclut Cyril Pulver.
Cette étude montre que même des processus aussi anciens que la division cellulaire intègrent de nouveaux acteurs génétiques, dont certains sont spécifiques à l’espèce humaine ou à ses proches parents. Ces résultats pourraient éclairer notre compréhension de maladies comme le cancer – où le cycle cellulaire est souvent déréglé – et expliquer pourquoi certains cancers ou troubles du développement présentent des caractéristiques propres à l’humain.
Autres contributeurs
Nexco Analytics
FinancementConseil européen de la recherche
Fonds national suisse (FNS)
Fondation Aclon
RéférencesCyril Pulver, Romain Forey, Alex R. Lederer, Martina Begnis, Olga Rosspopoff, Joana Carlevaro-Fita, Filipe Martins, Evarist Planet, Julien Duc, Charlène Raclot, Sandra Offner, Alexandre Coudray, Arianna Dorschel, Didier Trono. Evolutionarily recent transcription factors partake in human cell cycle regulation. Cell Genomics 23 June 2025. DOI: 10.1016/j.xgen.2025.100923